Il suffit de franchir le seuil de la gare de Palma pour se sentir transporté hors du temps. La gare ferroviaire, très singulière, est un havre de paix et de calme dans le brouhaha de la ville.
La gare, située en face de la Plaza de España, centre névralgique de Palma de Mallorca, se trouve dans un bel édifice moderniste qui comprend plusieurs dépendances, le dépôt de machines et les voies ferrées, souvent occupées par une locomotive ou une voiture de passagers.
Si vous arrivez à l’avance, allez observer sur le quai, à l’abri du auvent, les manoeuvres d’attelage de l’automotrice au reste du convoi, un processus qui, au son de la trompe des gardes-voies et du sifflet aigu de la machine vétuste, perdure quotidiennement depuis plus d’un siècle.
Vous pouvez également visiter l’exposition intitulée « 50 paysages de Majorque », qui recouvre les murs d’un ancien hangar et qui témoigne du regard d’importants artistes locaux ou étrangers sur le paysage naturel de l’île.
Le train va partir ! Attention au départ ! Montez deux marches, poussez la porte vitrée et accédez à l’intérieur de la voiture d’époque où se mêlent sols, cloisons et plafond en bois laqué, fenêtres à guillotine, appliques dorées et sièges en cuir et en métal.
Le train de Sóller conserve le même aspect depuis son inauguration, grâce à un entretien artisanal assuré tout au long des années. Les passagers peuvent changer la position des sièges selon leurs envies : ils peuvent choisir d’être assis en face de leurs proches ou bien séparément, dans le sens de la marche du train. Dans les voitures de 1ère classe, les canapés, installés à la place des sièges, permettent de voyager dans un confort optimal. Point de mire roulant unique pour contempler le paysage de Majorque, dans une ambiance Belle Époque.
Vous embarquez. Le trajet, d’une durée d’une heure, vous transporte hors du temps, à une autre Majorque. À l’époque où la vie était un long fleuve tranquille et où le train était une machine moderne qui représentait le futur et le progrès. À la Majorque de nos ancêtres, la moins connue, la Majorque agricole et traditionnelle, où la nature était sculptée pierre après pierre, terrasse après terrasse, pour pouvoir récolter tous les fruits des semailles.
Après quelques minutes de trajet dans l’espace urbain, le Train de Sóller traverse les derniers faubourgs de la ville et se dirige vers le nord, au cœur de la Serra de Tramuntana. Il fait son premier arrêt à la gare de Son Sardina, une paroisse de Palma, à caractère rural.
Une fois sorti de la ville, le train avance en ligne droite dans la campagne majorquine, appelée par les habitants de l’île “part forana” en allusion au territoire qui n’appartient pas à la capitale. De chaque côté du convoi, défilent des champs de caroubiers et d’amandiers, avec, en toile de fond, la Serra de Tramuntana. Les amandiers qui fleurissent début février, font l’objet des typiques cartes postales du paysage intérieur de Majorque.
Tout au long de ce parcours, on peut distinguer de grandes maisons rurales qui président les différentes exploitations : Sa Font Seca, Son Termes, Son Amar, Raixa et s' ; Alqueria Blanca.
Après une halte sur la route de Santa María et de Caubet, le train traverse une forêt de pins méditerranéens pour arriver au village de Bunyola, au pied de la Serra d’Alfàbia. La gare a été conservée intacte, telle qu’à sa construction il y a plus de cent ans, avec un édifice seigneurial principal et une sous-station de transformation électrique datant de 1929. À ses pieds s’étendent des jardins et des champs de citronniers qui embaument l’air d’un parfum exquis.
À la sortie de Bunyola, trois édifices attirent l’attention : Sa Torre ou Villa Francisca, de style moderniste; s'Alqueria d' ; Avall, une propriété majorquine de montagne typique et le domaine d’Alfàbia, une demeure qui date de l’époque de la domination arabe et qui est entourée de jardins de style andalou.
La partie la plus spectaculaire du trajet reste cependant à venir. À la sortie de Bunyola, on remarque un paysage différent : nous nous enfonçons dans les champs d’oliviers, caractéristiques de la Serra de Tramuntana.
Ce sont des oliviers centenaires, caractérisés par une cime large et un tronc imposant, sculpté au fil des années. Ils sont plantés à flanc de coteau sur des terrasses, dont les murets, appelés “marges” en catalan, sont construits en pierre sèche, sans l’aide d’aucun matériel d’union. L’homme a façonné le milieu naturel, en aménageant les flancs de colline en terrasses afin d’augmenter la surface cultivable, une des particularités qui a permis à la Serra de Tramuntana d’obtenir la distinction de Patrimoine de l’Humanité dans la catégorie Paysage culturel.
Le train s’enfonce en cliquetant dans une galerie creusée dans la roche et franchit le premier tunnel. Ils sont au nombre de treize, percés dans la roche pour pouvoir surmonter le relief hostile. Le tunnel suivant, d’une longueur d’environ trois kilomètres, est le plus long.
C’est le point culminant du trajet, à 200 mètres au-dessus du niveau de la mer. À l’intérieur des wagons, les lanternes s’allument ; à l’extérieur, c’est la plus profonde obscurité. Sous la propulsion du convoi ferré, l’air hurle tel un fantôme attrapé dans la montagne. Lorsque l’on ouvre légèrement la fenêtre, on ressent la brise fraîche et humide qui exhale des parfums de mousse et de fougère, tandis que les parois sombres du tunnel défilent à toute vitesse à quelques centimètres de notre visage.
Quelques minutes plus tard, le train descend le versant de Sóller dans une explosion de lumière et de verdure. Nous sommes encore en pleine montagne, entourés par les oliviers, les pins et les chênes verts, et longeons les parois du ravin qui précède la vallée. Le train se glisse à présent dans le versant sinueux et descend peu à peu jusqu’à notre destination. Tunnels, ponts et viaducs permettent à la ligne de franchir les dénivelés et les nombreux obstacles naturels.
À notre droite s’étend la Vallée de Sóller, où prédominent les vergers d’orangers et de citronniers, entourés par les hautes montagnes qui s’élèvent dans le ciel : Serra d’Alfàbia, Es Cornadors, L’Ofre, Serra de Son Torrella et l’imposant sommet “Puig del Migdia” qui domine le panorama spectaculaire.
Tel un carrousel de photographies, au sortir de chaque tunnel, c’est un nouveau point de vue qui s’offre à nous sur la vallée luxuriante, la ville pittoresque et les montagnes abruptes. Le même paysage différent apparaît et disparaît devant nos yeux par la magie du tracé curviligne.
Sur le versant Pujol d’en Banya, le train spécial (informez-vous au guichet à la gare de Palma) effectue une halte technique de 10 minutes, nous permettant de descendre du train pour pouvoir contempler et photographier depuis le mirador le magnifique paysage.
8Le train se remet en marche, emprunte le viaduc en demi-cercle, au-dessus du Torrent dels Montreals, connu populairement comme “les cinq ponts” en raison de ses cinq arches de maçonnerie. Un peu plus loin, le train entre dans le tunnel “500”, appelé ainsi en raison de ses cinq cent mètres de long. Ce tunnel dessine une courbe très nette à 180º degrés, de sorte que lorsqu’on en sort, la vallée réapparaît, à notre grand étonnement, sur notre gauche.
Le train se remet en marche, emprunte le viaduc en demi-cercle, au-dessus du Torrent dels Montreals, connu populairement comme “les cinq ponts” en raison de ses cinq arches de maçonnerie. Un peu plus loin, le train entre dans le tunnel “500”, appelé ainsi en raison de ses cinq cent mètres de long. Ce tunnel dessine une courbe très nette à 180º degrés, de sorte que lorsqu’on en sort, la vallée réapparaît, à notre grand étonnement, sur notre gauche.
Le convoi circule à proximité de la commune de Sóller, en passant par des petits vergers d’orangers, puis, après avoir franchi le dernier tunnel, arrive tranquillement à la gare de Sóller.
La ville se vante de cultiver les meilleures oranges du monde. Notons au passage que leur exportation en France et dans d'autres pays d’Europe a été très florissante au XIXè siècle, fait qui a incité de nombreux habitants de Sóller à émigrer en France. De là, l’influence de la culture française et les liens fraternels avec la France.
Un dernier coup de sifflet annonce l’entrée du train en gare. Celle-ci comprend plusieurs dépendances : les hangars, les ateliers, les entrepôts, les croisements de voies et les quais de chargement. Un peu plus loin, se dresse la sous-station qui alimente en énergie électrique toute la voie ferroviaire.
Les passagers descendent sur un large quai, ombragé d’immenses platanes communs. Pour descendre à la Plaza de España, lieu où se trouvent le premier arrêt du tramway vers le Port de Sóller et un fourgon ferroviaire qui abrite l’office de tourisme, les voyageurs doivent emprunter le grand escalier pour traverser l’édifice principal de la gare, la demeure Can Mayol.
Cette demeure noble qui date du XVIIè siècle a été successivement une forteresse, une usine et un hôtel. Bien qu’elle ait subi de nombreuses réformes pour être conforme à son nouvel usage, elle conserve encore de nos jours son caractère traditionnel. Au rez-de-chaussée, on peut visiter gratuitement les salles d’expositions de Miró et Picasso, de la Fondation Train de l’Art, et admirer des œuvres authentiques des deux artistes universels.
Le voyage n’est pas encore terminé. Il nous reste encore de multiples opportunités de visites et de promenades. Sóller nous offre ses édifices modernistes, son église spectaculaire, sa place centrale toujours effervescente, ses ruelles pavées, ses commerces traditionnels et ses musées. Et le tramway nous invite à un autre voyage inoubliable jusqu’au Port.